vendredi 4 mars 2016

Quartier des craintes



Quartier des craintes
Je me lève pour voir
Voir devant
Je me balance avec l’éternel
Je suis
Et j’attends
Entre deux arbres
Et un grand champ
J’ouvre les bras
Pour me déprendre d’en dedans
Des mouches de toutes les couleurs
Elles me dessinent une image
Ce que j’ai entendu
Tu ne seras jamais bon
Tu perds ton temps à dessiner
Tu perds ton temps à écrire
Et à lire
Tu perds l’envie de vivre
Ce n’est pas une maison
Ce n’est pas la mienne
Même si ma chambre y est
Je me cache dans les tiroirs
Je suis bête
Je veux souffrir ailleurs
Je marche en courant
Et en me déshabillant
J’entre dans l’eau pas assez creuse
Ce n’est pas un fleuve
C’est un ruisseau
Je reviens en courant lentement
Trop lentement
Pour appeler cela courir
J’ai oublié de me rhabiller
Mais je le savais
Je suis devenu une icône nu
Très inconnu de mes proches
Je repars prendre ma place
Entre les deux arbres
Pour me balancer encore
Et je ris de rêve
Des rêves renversants
Des illusions de l’instant
C’est quand même eux les plus vrais
Je couche dans une tente
Du début du printemps
À la fin de l’automne
Et l’hiver
J’intente des aventures
En partant avec les glaces
Le fleuve devient une mer
En attendant de s’ouvrir à l’océan
Je me suis noyé deux fois
Un pour me pratiquer
Et l’autre pour de vrai
Mais
Quelqu’un me ranime
Je dois continuer
Je dois contourner
Je dois me répondre
Je me dépose comme une limace
Lier à la masse
J’ai peur de trop en dire
Chaque jour
Chaque jour
Un autre jour passe
Je repars toujours de plus en plus étrange
Mes mots épaves trainent sous mes pieds
Sous mes pas
Je suis prêt à repartir
Je repars à chaque instant
Je me jette toujours devant
Toujours seul
Je passe une rivière
Je trépasse
Elle est trop creuse
Je suis dans mon élément
J’insiste pour me faire mal
J’insiste à ne plus dormir
Ma démarche est importante
Elle est un poème
Un ensemble de mots mystères
De mots mystiques
Mots perduss
Oui
Avec deux s
Deux vies peut-être
Une pour la pratique
Et l’autre pour la fin
J’ai perduss mon sexe
Mais il me reste mon histoire
Celle dans ma tête
Celle de ma conscience
Je retraverse l’océan
Pour rebondir en arrière
Pour retrouver mes souvenirs
Rester dans quelques boites
Que je place sur des étagères
Je recommence à vivre
Un sourire libre
Une invitation pour tout dire
Décrire les crimes
Pas les miens
Je deviens Perduss
Pas un autre
Moi
J’ai 59 ans

Réjean Desrosiers © 2016 03 04 / 20160304002

Trente tableaux
ONFB,
2011,
81 min 3 s
Paule Baillargeon a 37 ans, 11 ans, 65 ans… Dans ce long métrage documentaire composé de fragments, elle se raconte. C’est l’histoire d’une femme, d’une cinéaste, d’une mère, d’une féministe, d’une artiste. D’une comédienne aussi, qui livre la narration de ce texte puissant qui berce et secoue à la fois. Ce sont des images fortes, les siennes, filmées, dessinées, animées, qui dressent le portrait d’une vie sauvage, rebelle et douce à la fois. Autobiographie que ces Trente tableaux? Plutôt un conte authentique, imprévisible et unique comme le sont toutes les vies.


Trente tableaux
ONFB,
2011,
81 min 3 s
Paule Baillargeon

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